Dans certains jeux, on ne peut jamais vraiment gagner. Dès le départ on sait qu'à un moment où à un autre, on perdra. Et pourtant, on essaie quand même.
Sir Cucumber, il y a quelques années, a eu l'idée de rapprocher ces jeux des philosophes de l'absurde.
Pour Camus par exemple, l'homme est comme Sisyphe qui continue à pousser son rocher alors qu'il sait qu'il n'arrivera jamais en haut de la colline : le rocher lui échapera toujours avant et redescendra la pente. L'homme est ainsi fait : il s'engage dans des structures répétitives, alors même que ce qu'il construit finira toujours par disparaître. Et pourtant, il continue à essayer. Notamment parce que ce n'est pas le but qui importe : la vie n'a de toute façon ni finalité, ni sens. Mais ça ne nous empêche pas de vivre entre temps. "Il faut imaginer Sisyphe heureux".
Balloon Trip: an Existential Journey from Sir Cucumber on Vimeo.
"Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais encore."
Camus, L'Étranger.